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Saints hurlements

Pourquoi les parents et les adolescents sont-ils divisés au sujet de la musique hardcore?

«Mes parents disent que la musique est satanique. J’écoute des groupes chrétiens jouant de la musique hardcore/screamo tels que Underoath, Project 86, Spoken, Demon Hunter, Haste the Day, the Showdown, Living Sacrifice, Showbread, Emery and Dead Poetic . Je me dis: «Quelle différence cela fait-il si quelqu’un chante Louez le Seigneur avec une voix douce ou en criant de toute la force de ses poumons?» Je préfère tout simplement le style crié. Je pense que c’est bien si la louange est fun et cool, pas seulement lente et ennuyeuse. Pensez-vous que c’est mal?» Samantha, Reseda, Californie

On nous pose souvent ce genre de questions ces derniers temps. Peut-être est-ce parce que, plus que pour n’importe quel autre style musical, les hurlements gutturaux des chanteurs de ces groupes n’ont vraiment pas un son chrétien. Ou peut-être que la curiosité croissante des adolescents est un reflet de la popularité en plein expansion de ce genre qui explose les oreilles. Après tout, le Define the Great Line de Underoath a tout simplement démarré numéro deux au hit-parade des albums mainstream de Billboard, exploit encore jamais enregistré pour une chanson chrétienne. Quelle que soit la raison, les fans comme Samantha, sans parler de leurs parents inquiets, méritent une réponse réfléchie. Examinons donc de plus près cette musique chrétienne qui cause le plus de discorde sur le marché.

Vivre au bord du gouffre
Le métal chrétien a beaucoup évolué depuis le milieu des années huitante. Ces nouveaux groupes ne bénéficient pas seulement de fans qui se multiplient, mais leur son relègue les productions les plus dures de Shout, Whitecross ou de Stryper au rang de Céline Dion. En plus des guitares électriques déformées, l’élément le plus caractéristique du hardcore est que les paroles ne sont pas tant chantées que hurlées ou rugies, ce qui leur donne sans contexte un son sinistre. Ajoutez-y un tambourinage cacophonique de batterie à double grosse caisse et un accordage anormalement bas des guitares et vous obtenez un paysage sonore qui redéfinit le terme «heavy». La musique hardcore et ses sous-genres, metalcore, thrashcore, rapcore et deathcore, sont extraordinairement viscérales… C’est comme recevoir un coup de pied dans l’estomac.

Faire la différence entre une production hardcore séculière et chrétienne peut représenter un vrai défi. La ligne n’est pas claire. Tout d’abord beaucoup de groupes de souche chrétienne évitent le label Contemporary Christian Music (CCM). Ils cherchent la porte vers un succès grand public et jouent autant dans des événements non chrétiens comme Vans Warped ou Ozzfest que dans des festivals chrétiens tels que Cornerstone ou Creation. Underoath semble mener la charge, suivi d’une armée de groupes chrétiens de métal dont As I Lay Dying, Project 86, Still Remains ou Demon Hunter.

Qu’est-ce qui leur permet de se fondre si bien dans la masse? D’abord leur son. Puis aussi le fait qu’ils s’aventurent dans les mêmes thèmes déchirants, d’une introspection mélancolique à un engouement pour la mort, l’obscurité, le désespoir et la dépression, les quatre cavaliers de ce genre apocalyptique. Quelques groupes de hardcore chrétiens choisissent une ambiguïté au niveau des paroles et des métaphores graphiques qui peuvent être confondues avec le problème plutôt que de montrer la solution. Les meilleurs tracent cependant péniblement leur chemin à travers ces marais avec l’objectif de montrer le moyen d’en sortir. Ils mentionnent le nom de Dieu et font allusion à la rédemption. En résumé, le style sombre et plein de colère devient un moyen d’atteindre un objectif.

Tout en contrastes
En fait, si la plupart du catalogue de CCM célèbre le triomphe spirituel, le hardcore chrétien se concentre sur la face plus sombre de la foi. Imaginez les lamentations de l’Ancien Testament, les prophètes qui crient leur angoisse, qui soupirent après une réponse de Dieu en y ajoutant des guitares qui font un bruit de tronçonneuse. Underoath, par exemple, décrit la bataille intérieure entre la lumière et les ténèbres dans Moving for the Sake of Motion  («Que quelqu’un veuille bien rallumer les lumières./J’erre ici depuis des jours, déconnecté et à la recherche d’air frais à respirer […] Mon Dieu,/je hais le moi que je suis devenu»). Dans Cherished, Still Remains affirme: «Les ténèbres sont noires de solitude et, en leur sein, nous sommes en recherche./C’est tout ce que nous avons jamais connu […] Que le ciel nous aide.»

La détresse n’est pas le seul sentiment qui est en jeu. As I Lay Dying décrit poétiquement l’œuvre de rédemption de Dieu dans la chanson Illusions. Plusieurs chansons de Demon Hunter soulignent notre conflit avec la chair, le monde et le diable. Dans Undying , il rappelle courageusement à ses jeunes fans le prix que Jésus a payé pour sauver leur âme: «Je sais que ce qui se trouve pour moi au-delà de cette vie est déjà gagné./Personne ne peut enlever ce sang qui couvre ma chute./Sans le sang de la vie parfaite, je sais que je ne suis rien du tout.»

Comment puis-je savoir qu’ils sont chrétiens?
Cependant ce mariage entre une imagerie gothique souvent violente et des concepts bibliques crée la confusion. La manière dont certains groupes décrivent comment leur foi et leur musique interagissent ne clarifie pas les choses. Still Remains, par exemple, pense que sa musique parle pour elle-même et ne souligne pas de thèmes spirituels pendant ses concerts. Frontman T.J. Miller déclare: «Nous ne nous considérons pas vraiment comme un groupe chrétien, parce que nous ne prêchons pas, nous ne parlons pas de ce que nous croyons sur scène. Nous laissons cela dans l’air et la plupart des personnes savent où nous nous situons.» Avec de telles affirmations, il n’est pas étonnant que les adolescents demandent où se situent spirituellement leurs artistes de hardcore préférés.

D’autres, comme Demon Hunter, ne cachent pas ce qu’ils croient. Dans une interview donnée en 2004, Ryan Clark a déclaré sans honte: «Nous sommes tous chrétiens. Nous n’allons pas tourner autour du pot.» Il admet pourtant un penchant pour des paroles obscures. «J’aime écrire dans un style assez poétique et métaphorique. Un langage direct n’est pas pour moi dans l’écriture de chansons.» Il croit cependant: «Si quelqu’un qui lit nos paroles prend vraiment le temps de s’y plonger, le message sera clair.» Le site web du groupe est encore plus clair; il propose des pages qui traitent de questions de foi ainsi qu’un lieu où les fans peuvent publier des requêtes de prière.
De même, les références à la spiritualité dans le dernier CD de Underoath sont subtiles (voir l’encadré), mais pas le site web du groupe. Timothy McTague, guitariste de Underoath, écrit dans un journal en ligne: «J’ai réalisé le devoir que nous avions en tant que chrétiens de traiter nos amis, notre famille et ceux qui nous sont étrangers avec amour et respect. Dire que nous aimons Christ, qui est amour, tout en nous détournant et en oubliant nos frères, c’est probablement l’une des plus grandes contradictions que nous puissions vivre en tant que représentants physiques de Christ et de son enseignement.»

Comment doivent réagir les parents?
Le fait de savoir que le cœur d’un chanteur hurlant est au bon endroit peut sembler une piètre consolation pour des parents aux tympans irrités par un morceau de screamo suraigu. Des gars sympas? Super. Maman et papa sont encore en train de chercher des pentagrammes dans la jaquette. Si cela vous correspond, faites attention de ne pas surréagir. Au lieu de faire confiance à votre approbation ou désapprobation globale et instinctive du métal chrétien, étudiez dans la prière les paroles, examinez les images et visitez les sites web officiels des groupes, le tout avec votre adolescent. Plus important encore, aidez-le à voir comment la musique peut l’affecter personnellement. Posez-lui des questions telles que:

– Quel enseignement les paroles de ce groupe t’apportent-elles concernant qui est Dieu et qui nous sommes?
– Comment penses-tu que cette musique affecte ton humeur générale, ton attitude envers les autres?
– Comment cette musique influence-t-elle ta relation avec Dieu?
– Comment te connectes-tu émotionnellement à un groupe ou à un chant particulier? A quelles paroles t’identifies-tu?
– Si la musique d’un groupe inclut des thèmes plus sombres, que consommes-tu qui apportera un équilibre, des paroles qui offrent de l’espoir, une perspective plus ouverte? Quel message préfères-tu et pourquoi?

Rien ne peut remplacer la communication. Les parents qui ont investi dans cet effort gagnent généralement, aux yeux d’un adolescent, le droit d’exprimer leurs inquiétudes et leurs opinions. A condition que votre adolescent réponde à cette recherche d’une meilleure compréhension par autre chose que des grognements apathiques et des haussements d’épaule, un dialogue profitable pourrait amener une sorte de période de mise à l’essai.

«Notre fils a commencé à s’intéresser à Demon Hunter quand des amis de l’église lui ont fait connaître ce groupe», explique un parent qui ne veut pas être légaliste tout en refusant de céder du terrain pour les choses les plus importantes. «Nous avons décidé de le laisser écouter tout en lui disant clairement que nous surveillerions son attitude. Si son état d’esprit change ou s’il s’énerve facilement, ce sera la fin de cette musique. C’est un privilège, pas un droit.»

Certaines familles sont tout simplement enthousiasmées par le fait que de tels groupes existent. Underoath et les autres proposent une alternative – discordante, mais aux paroles bénignes – aux messages autodestructeurs déversés dans la culture par des groupes tels que Slipknot, Deicide, Trivium, Lamb of God et Atreyu. Quand un amoureux du métal remplit son esprit de pensées de vengeance ou de suicide, chaque pas dans une direction positive est le bienvenu.

Screamo… thrashcore… deathcore… peu importe le nom que vous lui donnez, où vous vous situez par rapport à la musique la plus crispante, la plus discordante et la plus controversée qui passe en boucle sur les iPods des gosses aujourd’hui, faites de votre mieux pour maintenir une relation ouverte et pleine de respect. Dans 1 Corinthiens 6:12, l’apôtre Paul écrit: «Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile; tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit.» Alors que vous cherchez à répondre à la question: «Ce genre est-il saint?», soyez prudents de ne pas laisser une réaction instinctivement négative face aux saints hurlements créer une barrière entre votre adolescent et vous.

Le dernier succès du hardcore
La dernière sortie de Underoath, Define the Great Line , est un excellent exemple de la tension paradoxale entre la détresse et la foi qui est courante dans le hardcore chrétien. Ainsi donc, quelqu’un écoutant cet album classé dans les top dix sans savoir que ces musiciens sont chrétiens risque de manquer les allusions spirituelles subtiles.
Aliénation, solitude et désespoir, motifs principaux du genre, apparaissent de façon particulièrement évidente au premier abord. Dans Returning Empty Handed  par exemple, le chanteur Spencer Chamberlain grogne: «Je ne voir rien d’autre que le désastre.» Les choses sont tout aussi sombres dans Everyone Looks so Good from here , où il affirme: «J’ai été avalé vivant.» Le désespoir n’a pourtant pas le dernier mot.
Heureusement, la plupart des chansons de ce CD comportent aussi des moments d’espoir, d’approfondissement de perspective ou de confession personnelle. Un homme indépendant réalise son besoin de Dieu dans Moving for the Sake of Motion. Un autre lutteur, dans Casting Such a Thin Shadow , croit qu’il y arrivera sans l’aide des autres. You’re Ever So Inviting  rejette le fait de se tromper soi-même: «Il n’y a pas de place pour tricher et être soi-même», et fait écho aux Ecritures: «Goûte et vois, je te promets que je sais ce qui est bon.» La dernière chanson insiste: «A la fin de la route, tu trouveras ce après quoi tu soupirais.»
Les groupes chrétiens de hardcore parlent de façon directe des luttes de la vie. Ici, Underoath donne à ses fans une chance de gratter la rouille. La rédemption est présente au cœur des hurlements, pour ceux qui écoutent soigneusement.

Source: Plugged’n, septembre 2006

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