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Les Jesus Freaks

Interview de Marc F. par Alain et Anne Kreis

Chaback: Pourrais-tu te présenter? Qui es-tu? Que fais-tu dans la vie?
Marc: Je m’appelle Marc F., j’ai trente-deux ans, je suis marié et père de trois enfants. Je suis journaliste.

Ch.: Tu surfes dans les milieux alternatifs chrétiens… Peux-tu nous dire ce qui t’y a amené?
Marc: Ado, j’ai découvert les divers mouvements alternatifs et j’ai été très attiré par la mouvance punk, l’idéologie squat et la théorie communautariste. J’ai toujours été un grand fan de musique dite alternative et j’ai découvert cette scène, ainsi que tout ce qui va avec. De fil en aiguille, j’ai appris à connaître des gens qui vivaient en marge de notre société et j’ai commencé à fréquenter des endroits où j’étais parfois la seule personne qui entretenait une relation, souvent chaotique, avec Dieu. J’étais pris le cul entre deux chaises, mais cette ferme assurance, telle que Paul la décrit, a toujours tenu bon dans mon cœur. Après mon école de recrues, je suis parti au congrès missionnaire Mission 96 à Utrecht. Pour mes vingt ans, j’avais demandé ce cadeau d’anniversaire à mes parents, parce que j’avais donné un rendez-vous en forme d’ultimatum à Dieu… En fait, c’est peut-être bien lui qui m’avait donné ce rancard… Là-bas, j’ai décidé de donner à Dieu la priorité dans ma vie, même si aujourd’hui encore c’est un choix difficile à honorer.

A mon retour à Neuchâtel, j’ai continué à fréquenter mes copains et les milieux au sein desquels j’évoluais. Parallèlement, je fréquentais le groupe de jeunes qu’un B. C. B. G. (Elie) de mon église avait lancé à Neuche. Nous étions quatre ou cinq et c’était très sclérosé! Cela se déroulait les vendredis soir; je me rendais au groupe de jeunes en début de soirée et je finissais la nuit au squat. Puis, petit à petit, des potes du squat et des gens que je fréquentais au stade sont venus avec moi au groupe. Ils ont rameuté d’autres personnes, puis mon petit frère est aussi venu, avec des copains et des meufs et cela a fait boule de neige. Le groupe se composait de gens très classiques et d’autres qui l’étaient beaucoup moins. Certains arrivaient bourrés, d’autres avaient de sérieux problèmes psychologiques. Certains soirs c’était très chaud et d’autres c’était très calme. Chacun faisait l’effort de tolérer l’autre. Au bout d’un moment, il y avait autant de gens qui fréquentaient le groupe de jeunes que le culte et cela a commencé à être dérangeant, surtout pour un pasteur fraîchement débarqué qui souhaitait contrôler fidèles et jeunes. Elie a été viré de l’église et j’ai refusé de continuer sans lui. Le groupe a volé en éclats, et c’est là que j’ai pris conscience de la nécessité de rencontrer les gens sur leur terrain et de les aimer à défaut de vouloir les forcer à changer. Je crois que c’est là le problème d’un grand nombre d’églises: on veut que les gens aient changé et se soient accommodés au style et aux habitudes évangéliques avant de simplement les aimer.

Ch.: En fait, qu’est-ce qu’un milieu alternatif chrétien?
Marc: C’est difficile de vouloir tout définir. Si tu entends «milieu» par «lieu», il n’en existe sans doute pas encore en Suisse romande. Dans nos contrées, il y a plutôt des situations où nous pouvons parler de notre foi et la vivre sans devoir à tout prix entrer dans l’arbitraire des «normes de jurisprudence évangélique». Ces situations, telles que je les expérimente, ont effectivement souvent un lien avec la culture alternative, que ce soit par les personnes ou les lieux qu’elles englobent. Jésus et sa bande s’affichaient clairement en marge des normes religieuses de l’époque, et ils vivaient quelque chose de fort, une vraie relation avec Dieu, dépourvue de religiosité ou d’habitudes liturgiques arbitraires. C’est cette simplicité et cette authenticité qui attiraient les gens du peuple et qui exaspéraient les pharisiens et les scribes.

Ch.: Peux-tu nous donner quelques exemples concrets?
Marc: Les plus connus sont les communautés Jesus People ou les Metal Ministries aux Etats-Unis, au Mexique et partout en Amérique centrale et du Sud ainsi qu’en Australie. En Europe, les plus actifs sont les Jesus Freaks. En Suisse orientale, il y a aussi les Schwarze Braut, église composée essentiellement de gothiques. En Romandie, on a lancé il y a quelques années le forum Cactus, qui était au départ juste un forum d’échange entre potes. Il a pris de l’ampleur, y compris au niveau international. De là est né le site internet eternel.ch. Au-travers de Cactus, des gens se sont rencontrés et des cellules de maison se sont formées dans divers endroits.
Finalement on a un peu fédéré les choses sous la dénomination CxH. L’église évangélique de la Béroche nous met ses locaux à disposition le dernier samedi de chaque mois et nous organisons un culte auquel prennent part des gens en recherche, des chrétiens sans communauté fixe, des habitués des cellules et des chrétiens que je qualifierais de tout à fait «normaux».

A côté de cela, eternel.ch s’est mué en association dont les activités, outre le site dédié à la musique alternative chrétienne, sont l’organisation de concerts, de festivals, de soirées d’évangélisation et d’édification, et aussi de la distribution de CD chrétiens à prix extraordinairement bas. Cette activité nous permet de toucher des gens normalement imperméables au message de l’Evangile. C’est assez effarant parfois. Dans l’Eglise on fustige arbitrairement certains genres musicaux, et on oublie de prendre acte du formidable moyen d’évangélisation qu’est la musique. Cela me fait penser au groupe As I Lay Dying, combo phare du metalcore chrétien. En mars prochain, il va jouer dans un festival de metal aux Emirats arabes unis. Là où beaucoup de missionnaires se sont vu fermer la porte, Dieu ouvre une brèche pour ses musiciens!

L’an dernier nous avons pu, grâce à la complicité de Christnet, mettre sur pied une soirée avec le musicien, écrivain et évangéliste américain Scott MacLeod. Depuis deux ans, eternel.ch organise aussi le festival B4xmas, à la Case à Chocs de Neuchâtel, le week-end avant Noël. En 2004, 2005 et 2006 nous avions aussi mis sur pied un car pour convoyer les gens au festival Freakstock, festival alternatif chrétien de référence, en Europe continentale.
Je tiens à préciser que nous ne pensons pas avoir tout juste et les autres tout faux. Nous correspondons à un public qui ne trouve pas – ou pas encore! – sa place dans des structures existantes. Nous répondons à l’appel que Dieu a placé sur nos vies, même si parfois nous le faisons un peu à tâtons.

Ch.: Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur les Jesus Freaks?
Marc: Je ne sais pas vraiment à quoi les Jesus Freaks ressemblent actuellement en Suisse. Je crois qu’il y a des communautés à Berne, Winterthur et Saint-Gall. Pour le reste, je ne sais pas. La communauté bernoise est la seule que je connais. Elle entretient de bonnes relations avec les autres églises. Vineyard lui prête ses locaux. Les cultes ont lieu un mercredi soir par mois. Si des francophones sont présents, il y a généralement une traduction simultanée. Le reste du temps, les gens se retrouvent dans des cellules. La louange y est très dynamique et la plupart des chants qui y sont joués ont été écrits en allemand ou en anglais par des Jesus Freaks allemands. J’aime beaucoup. Les textes sont souvent à la fois très terre à terre et très consacrés.

Ch.: Concrètement, que vivez-vous en famille?
Marc: Nous vivons les choses comme toutes les familles chrétiennes classiques. Rien d’exubérant! Dieu est le pilier (parfois vacillant) de ma vie et de celle de ma femme, donc logiquement aussi celui de ma famille. Nous prions avec les enfants et partageons notre foi au quotidien. Ils suivent l’école du dimanche à l’église de la Béroche.

Ch.: Les enfants trouvent-ils leur compte dans ces cultes?
Marc: Dans la forme actuelle, ces cultes s’adressent principalement à de vieux ados et de jeunes adultes. Il y a des exceptions à cette règle. Néanmoins, comme nos rencontres ont lieu le samedi soir, il y a peu ou pas d’enfants présents. Nous n’avons pas prévu de structure particulière pour eux. Les cellules ont elles aussi lieu en soirée. En outre il nous arrive d’organiser des pique-niques ou des rencontres en plein air. Là, les gens débarquent avec les enfants.

Ch.: En quoi vos cultes sont-ils différents d’un culte «classique»?
Marc: Ils ne sont pas fondamentalement différents. Le message est très terre à terre et très pratique, nous évitons les envolées liturgiques et les effets de style théologiques. Nous essayons d’impliquer les gens dans le déroulement du culte. La louange y est sans doute plus musclée que dans la majorité des assemblées. Nous ne nous en tenons pas à un plan de route tout tracé. Nous restons flexibles. Nous recherchons l’authenticité et la simplicité et nous n’oublions jamais que, parmi ceux qui nous fréquentent, il y a aussi une minorité de gens qui sont des déçus de l’église et de son formatage. Nous essayons d’éviter que les participants à nos cultes se sentent jugés. Bien entendu, certaines personnes ont un terrible besoin de changement dans leur vie. Nous ne cautionnons pas les styles de vie de tous ceux qui nous fréquentent. Nous pouvons proposer aux gens des pistes pour changer, mais nous ne pouvons rien leur imposer. C’est l’affaire de Dieu de les convaincre. Cela ne nous empêche pas d’être fermes sur nos positions et d’exposer clairement nos convictions.
Les gens ont premièrement besoin de l’amour de Dieu dans leur vie. Le reste viendra après. La chose qui a changé ma vie, c’est l’amour de Dieu pour moi. Ce n’est ni la connaissance de mon péché ni le jugement d’autrui sur ce péché qui a bouleversé mon existence. Alors j’essaie de ne rien faire d’autre que d’aimer les gens… Je reconnais toutefois que ce n’est vraiment pas évident et qu’il m’arrive souvent de m’écarter de cette ligne de conduite!

Ch.: Tu viens d’organiser un concert de Noël, B4Xmas (n.d.l.r.: before Chrismas = avant Noël). Veux-tu bien nous en parler? Quels buts visiez-vous?
Marc: C’est l’association eternel.ch qui a organisé ce festival… Tout seul, je n’en mènerai pas large et c’est Matthieu Vouga qui est le véritable moteur du projet. Nous avons décidé d’organiser un festival pour célébrer l’anniversaire de Christ. Nous avons tenté l’audacieux coup de le faire dans un lieu neutre, voire carrément orienté, à la Case à Chocs. Nous voulions toucher le public habituel de la Case, les gens qui cherchent désespérément un truc à faire en cette période creuse, et aussi les chrétiens qui osent sortir de leur cocon. Parmi les missions de l’association figure la promotion des groupes chrétiens. Nous avons fait venir des groupes locaux, suisses et internationaux. En 2006, nous avions organisé le tout sur une soirée, et ce Noël nous avons tenté le coup de le faire sur un week-end (vendredi et samedi). Nous essayons également d’avoir un maximum de crédit auprès de tous nos partenaires (groupes, sponsors, public, sécurité, techniciens…). Par le passé, j’ai souvent assisté à des trucs organisés avec deux morceaux de bois et trois bouts de ficelle par des chrétiens. Bien sûr l’intention était bonne… Mais c’était le seul truc qui était bon… Nous voulons montrer que les chrétiens peuvent mettre sur pied des choses vraiment professionnelles. Pour cette raison, nous sommes tous des pros dans notre domaine. Cette année, nous avons bouclé les comptes sur une perte. Nous aurions pu nous arranger pour réduire drastiquement nos frais, mais cela aurait été branlant. Nous préférons avoir une perte que faire un peu de bénéfice sur un événement escamoté.

Ch.: Peux-tu nous donner les coordonnées des lieux dont tu nous as parlé, pour ceux que cela intéresserait?
Christnet: www.christnet.ch
Schwarze Braut: www.schwarzebraut.ch
Jesus Freaks: www.jesusfreaks.ch
Freakstock: www.freakstock.de
eternel.ch: www.eternel.chCette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

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