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Esclaves des marques ou marques d’esclaves?

Le piercing étant désormais commun et presque dépassé, c’est au tour des cicatrices volontaires de devenir très tendance. Après le piercing et le tatouage, c’est au tour des cicatrices tribales de revenir au goût du jour chez les jeunes occidentaux urbains. Plus rétro que ça, tu meurs!

Le branding

Aujourd’hui les modes se suivent à toute allure: le dernier « must » arrivé chez nous s’appelle le branding, c’est-à-dire le marquage d’un sigle ou d’un dessin au fer rouge sur la peau. « Une seconde d’exposition à un bout de métal brûlant, un grésillement, un soupçon de fumée et voici que débute une œuvre artistique », raconte un adepte du branding. Le marquage au fer n’est pas nouveau. On y avait recours sur les criminels et les esclaves. Les Français marquaient au fer rouge les criminels d’une fleur de lys sur l’épaule afin d’en faire pour toujours des parias dans le monde civilisé. Puis ce fut le tour des protestants de recevoir cette marque. Jusqu’au 18e siècle, en France, on marqua les voleurs de la lettre « S », pour en faire des serviteurs.

Une résurgence du marquage est venue dans les années 20 et 30, lorsque cela est devenu très populaire, au sein d’une même fraternité, de montrer leur allégeance à l’organisation par ce moyen. La pratique existe toujours et de nombreuses célébrités - surtout composées de noirs - tel que Michael Jordan, la star des Chicago Bulls, Emmit Smith des Dallas Cow-boys et le révérend Jesse Jackson portent gravées dans leur peau les lettres grecques de leur fraternité. Pendant un temps, taper sur des portemanteaux en fil de fer pour leur donner une forme décorative et s’en servir comme fer à marquer, était le divertissement préféré du samedi soir de certains jeunes américains. Aujourd’hui, l’intérêt pour le branding connaît un regain de popularité.

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Les scarifications

La tendance étant au retour aux sources et aux modes ethno, voici donc chez nous la mode des scarifications1, surgie du fond des âges, serait-ce une ultime provocation?

Pour les jeunes citadins d’occident, c’est un nouveau jeu; ils s’amusent à se lacérer les joues ou d’autres parties du corps pour y graver des motifs qui resteront à vie. Est-ce juste pour le plaisir et pour l’esthétique?

En Europe, la pratique des scarifications a existé avant Jésus-Christ et perduré jusqu’au Moyen-Age dans certaines régions. Elle est encore très présente en Afrique dans les villages, mais aussi en ville chez les anciennes générations. Il s’agit alors essentiellement de signes de reconnaissance ethnique. En Afrique noire, la pratique ancestrale de la scarification répond autant à des besoins thérapeutiques qu’identitaires, religieux, sociaux et esthétiques. Aujourd’hui interdite par certains gouvernements, la pratique subsiste cependant dans les mœurs de nombreuses communautés. En fait, ces cicatrices sont d’abord perçues comme belles par les ethnies qui les pratiquent. Signes de courage, elles possèdent aussi souvent des pouvoirs magiques.

Un des pionniers de la pratique en France nous dit : « Chez nous cela rejoint toujours la démarche tribale, pour représenter et changer quelque chose en soi. C’est vraiment une modification profonde ; psychologiquement, c’est le sens rituel qui ressort, certains changent même de noms après. C’est pour changer de statut, te faire avancer... On s’attendait à des gens qui avaient déjà une culture tribale. On a eu des tatoués, mais petit à petit d’autres sont venus. J’ai scarifié des gens non-tatoués, non-percés, mais pour qui la scarification faisait partie d’une quête personnelle. Ce n’est pas uniquement décoratif, c’est bien plus brut que ça...

L’intéressant, c’est le passage à l’acte, faire le choix de se réapproprier, voire de renforcer son identité, même si ce n’est pas toujours conscient au départ. Le rituel est parfois vital dans certaines tribus. Ici, cela rejoint un peu ces considérations ». Inutile de préciser que ces pratiques sont très douloureuses, et cela durant un certain temps. Le branding par exemple, produit une brûlure au deuxième ou au troisième degré, avec un risque élevé d’infection. Certains jeunes africains vivant chez nous se posent des questions en voyant ces occidentaux, alors qu’ils sont si heureux d’avoir échappé, parfois de peu, aux cérémonies traditionnelles de leur pays.

Et un journaliste de conclure : « C’est clair, un petit tour en Afrique ferait le plus grand bien à certains. Car à voir les timbrés et autres fondus du citron de nos contrées qui se gravent des âneries cabalistiques un peu partout... »

Alain Kreis

1 Incisions superficielles de la peau, faites au moyen de scalpels, lames de fer, crochets, aiguilles de fer, verre, coquillages ou épines. Après l’incision, il y a un traitement spécial de la cicatrisation ; pour obtenir une chéloïde, il faut vraiment que la cicatrisation dégénère.

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